Villacastín(Segovia). Para saber más hacer clic sobre la imagen.

 

 

 

 

En guise de préambule, je voudrais vous soumettre un document qui est, je crois, susceptible de nourrir la discussion de notre Colloque, puisqu'il s'agit d'une tentative ancienne pour établir un système moderne de ponctuation dans la littérature castillane. Hernando de Talavera conclut son Prologue à la Traducción de las Reprensiones y denuestos contra un médico rudo y parlero [1] de Pétrarque en ces termes :

foL 3 r°: (...) Vna cosa finalmente avra grande industria / 3v°/ y de todo lector auiso que mire con atención las pausas y señales de distinción de que escriuiendo lo vse. por que no ayudan poco a entender lo que conpendiosamente por interposiciones / suspensiones o interrogaciones es dicho...

 

En marge* et probablement à l'initiative d'un copiste, sont reproduits les différents signes utilisés :

Señal de interposición es ( ) de la quai vso el bachiller arriba quando dixo « vra (aunque grande [2] pero menor y mucho que la prudencia) familia » auia de juntar ura familia y ynterpúso todo lo que entre estos medios cercos esta contenido. Llamase tal señal en latin paréntesis.

Señal de suspensión es  ؛    [3]

Señal de pregunta ?

Señal de poca diuersidad /

Señal de conplida razón •

y . § .

 

Le traducteur a donc mis en place un système conçu pour faciliter la lecture du texte, à l'aide duquel il délimite et précise : les incises de nature diverse, c'est-à-dire tout ce qui dérange la continuité lo
gique ou naturelle du discours (dans l'exemple cité, ce qui s'interpose entre l'adjectif et le substantif auquel il se rapporte)
; les pauses nécessaires à la compréhension ou chargées de prévenir l'attention du lecteur ; l'interrogation ; la contiguïté de termes ou de membres de phrase de même nature grammaticale ; la fin de l'énoncé phras-tique. A chacune de ces figures correspond un signe qui semble équi
valoir dans le système actuel, aux suivants
: parenthèses ou tirets ; deux points ou virgule ; point d'interrogation ; virgule ;
point.

Pour donner une idée plus précise de la façon dont ces signes étaient inclus dans le texte, je reproduis ici le premier chapitre, en ayant bien soin de respecter sa ponctuation [4].

Cap0 pmero declara de que contendían el autor

y el medico (ca de nonbre) y la causa de su escriptura

Quien quier que seas que desper

taste con tus importunos ladri

dos la pluma que yazia /y al

dormido (porque ansi lo diga)

león : ya conosceras ser vna cosa destruyr con

lengua ardiente ajena fama : y otra defender

la propia por razón < Contienda desigual

confieso se ordena entre nos/, tengo donde

me fieras : tu non tienes donde yo a ti.ca /que

nonbre puede tener el jornalero x infame

artifice ָ  Ami por çierto contigo no de rique

zas o de señorio : mas de solo nonbre es batalla.

del qual te entiendes priuado -τ menguado

aunque non telo digan /. pero pues me mercas

a lo que de grado nunca fiziera : nesçesario

es fablar algo /por que de mi silencio tu por

ventura non te gozes : si menospreciando

tus cosas como alas vezes ami animo viene

callare.pediendo perdón /no aty : mas al lector

si alguna cosa contra mi costunbre dixiere :

responderé a algunas cosas (Ca muchas tan

sin manera dizes : que quien las reputare dig

ñas de repuesta : podra justamente ser visto

mas inepto y desdonado [5]).

 

On observera que le système de ponctuation utilisé dans le texte est plus complexe que ne le laisse supposer la note du copiste. On a conservé des signes traditionnels tels que ec~ qui marque le début d'une phrase. On continue aussi à utiliser une barre légèrement arrondie, en forme de parenthèse ouverte, pour des usages aussi divers que l'indication du début d'une phrase interrogative, l'accom
pagnement d'une majuscule ou, ce qui n'apparaît pas dans la page reproduite, l'ouverture de guillemets au début d'un dialogue. Il semble donc que le système mis en place par Hernando de Talavera vienne en complément des signes qui étaient déjà utilisés ou, tout du moins, qu'il ne soit pas incompatible avec eux.

En fait, cette tentative s'inscrit dans un courant déjà très fort au xve siècle, comme le démontrent plusieurs exemples cités dans ce Colloque (cf. les communications de J. Aufray, J. Lemartinel et J.-P. Lecertua), qui manifeste une claire volonté d'uniformiser la ponctuation. Hernando de Talavera ne fait que reprendre à son compte, semble-t-il, une attitude qui tend à se répandre. Mais cette tentative contient aussi sans doute une part d'innovation. On ne compren
drait pas, sinon, la raison d'être de la note placée en marge par le copiste. Il est clair qu'elle s'adresse à un public non averti.

Cette tentative pour établir un système de ponctuation témoigne, d'une part, d'une réflexion sur la nature de la syntaxe castillane et, d'autre part, d'une recherche de plus grande efficacité didactique. La première a inspiré cette attitude critique qui amène l'auteur à s'interroger sur les moyens d'expression qu'il a hérités de la tradition littéraire et à tenter d'analyser pour les isoler les différentes composan
tes de l'énoncé. La seconde, — la préoccupation didactique —, l'incite à rendre le texte plus lisible, et donc plus accessible, par l'indication des pauses et des respirations qui, dans l'hypothèse très probable d'une lecture à haute voix, découvrent les articulations du discours.

L'usage fréquent qui est fait des deux points ( :) rejoint la com
plexité d'emploi de la
comma dans les ouvrages de l'époque, et sans doute est-il permis de penser qu'il témoigne d'un réel embarras face à une syntaxe de discours également complexe. Il faudra probablement interpréter ce signe autant comme une indication prosodique que comme un signe de ponctuation proprement dit. Il correspondrait alors à une respiration dans la lecture mais aussi à une intonation. 

Tournons-nous maintenant vers les textes du mester de clerecia afin d'analyser, comme l'indique le titre de la communication, la fonction structurante de la strophe de cuaderna via. Le choix de mon sujet s'explique doublement. J'ai voulu faire une incursion dans le domaine de la poésie, qui présente à l'évidence une originalité formelle susceptible de modifier l'approche de la question de laponctuation moderne des textes médiévaux. La seconde raison est que, n'ayant pas su reconnaître une ponctuation significative et concertée dans les manuscrits, j'ai tenté d'isoler les éléments de toute nature qui, dans la strophe de cuaderna vía, découpent le texte et, dans la perspective d'une édition, marquent la place qui doit être réservée aux signes de ponctuation.

L'objet essentiel de cette communication est donc la copla
 
propre au mester de clerecía, la seule strophe admise par ce genre poétique. C'est un quatrain à rime unique composé de vers à double hémistiche de sept syllabes (alexandrins) ou de huit (octonaires). Cette strophe est désignée traditionnellement sous le nom de cuaderna vía, à partir de la célèbre copla
 
2
du Libro de Alexandre, que je rappellerai ici pour mémoire :


 

Mester trago fermoso                       non es de joglaria

mester es sen pecado                     ca es de clerecía

fablar curso rimado                         por  la   cuaderna   via

a sillavas cuntadas                         ca   es   grant  maestria.

 

 

 

Cette strophe en forme de manifeste littéraire de l'anonyme auteur du Libro de Alexandre constitue une source précieuse d'infor
mation sur l'originalité et les normes du métier de clergie et, à ce titre, a fait l'objet d'innombrables commentaires [6]. Chacun de ses hémistiches a été passé au crible de la critique, à la remarquable exception près de celui qui nous intéresse ici au premier chef parce qu'il a trait à la strophe utilisée
:

fablar curso rimado                        por   la   cuaderna   via.

 

Curieuse formule, en vérité, que celle de cuaderna vía qui retire deux termes d'un contexte sans lequel ils cessent d'être compréhensibles.

Le vers commente et prolonge les formules précédentes : mester fermoso et que es de clerecía. Chaque mot mérite qu'on s'y arrête :

fablar introduit l'idée d'une énonciation, qui pourrait d'ailleurs tout aussi bien être prosaïque que poétique ; ce mot appartient au vocabulaire du dit. curso : les éditeurs du Libro de Alexandre y ont reconnu le latin cursus qui désignait un patron rythmique dans un discours. Il s'accorde ici parfaitement avec son contexte si on l'applique au découpage syllabique des vers. Mais, si on se reporteau DCECE[7] de Corominas, s.v. correr, on constatera, à travers l'analyse de cósante, que des termes dérivés de cursus, tels que coursault ou courante en français, appartiennent au registre de la musique et de la danse, l'un et l'autre étroitement liés à celui de la poésie par l'intermédiaire de la chanson. Il est possible, par conséquent, que curso renferme aussi des sèmes qui le rattachent au domaine de l'expression chantée. Le premier hémistiche pourrait donc s'in
terpréter comme suit :

s'exprimer en un discours rythmé et rimé.

 

Quant au second hémistiche introduit par la préposition por, il fait fonction de complément de manière. La valeur exacte du substan
tif
via est difficile à préciser. Il se peut fort bien qu'il se contente de prolonger le sens de la préposition : par le moyen de. Mais il est possible aussi qu'il ait le sens plein de voie, méthode ou mode.

Quelle que soit la valeur retenue, deux conclusions s'imposent :

      il est aberrant de séparer adjectif et substantif de la préposi
tion, car il est bien évident que, non précédé d'une préposition, le substantif
via accède à une catégorie que le contexte n'autorise pas forcément à lui donner. Dire la cuaderna vía, ce n'est pas la même chose que de dire por la cuaderna vía.

      l'adjectif cuaderna constitue le terme sémantiquement le plus fort de l'ensemble, ce que sa qualité d'adjectif pourrait faire oublier [8]. Or quel est le sens de cuaderna ? Reportons-nous à nouveau au DCECE, s.v. cuaderno, «Del antiguo adj. quaderno «cuádruple, que consta de cuatro » (por el número de cuatro pliegos de que consta el cuaderno) descendiente semiculto del lat. QUATERNUS, singular del distributivo QUATERNI « de cuatro en cuatro », que a su vez es derivado de QUATTUOR «cuatro». Ia doc. Berceo. Como adj. se halla, en autores del Mester de Clerecía, quaderna vía para designar su sistema de versificación en coplas de cuatro versos (p. ej. Alex. 2) ».

cuaderno désigne donc tout ensemble composé de quatre éléments identiques ou tout ensemble susceptible d'être divisé en quatre éléments identiques. Le sens du second hémistiche serait donc :

par le moyen (ou à l'aide) du mode quaternaire.

 

Au terme de cette analyse, il semble donc bien que la notion de quaternaire soit essentielle. Elle s'applique aussi bien à la strophe tout entière qu'aux vers qui la composent, auxquels le poète fait référence dans son premier hémistiche, en signalant la présence de la rime. On est à même de constater dès lors la rigueur de la formulation adoptée par l'auteur du Libro de Alexandre, ce qui justifie qu'on lui ait consacré tant de commentaires. Traduit en termes prosaïques, le sens du vers tout entier se résume donc ainsi :

L'expression se fait en vers et ceux-ci sont groupés par quatre.

 

L'unité strophique du métier de clergie ainsi présentée, que manque-t-il à cette définition pour être complète ? Préciser que les quatre vers ont même rime ? Certes, mais cette idée est implicite sous cuaderna, puisque le terme signifie la répétition d'un même élément en quatre exemplaires. Il ne saurait en être autrement de la rime. Reste le découpage des vers en hémistiches en principe égaux. Sur ce point, il semble que les avis soient partagés, puisque certains éditeurs ont choisi de ne pas marquer la césure à l'aide d'un blanc, ce qui revient à ne pas distinguer les deux hémistiches. La séparation des deux hémistiches est parfois bien difficile à préciser, surtout pour les textes du xive siècle, ceux donc qui se placent à la fin du genre. Il n'en reste pas moins que son principe est inattaquable, comme le démontre, en particulier, l'égalité du nombre des syllabes contenues dans chacun des demi-vers. Un vers alexandrin de copla cuaderna [9] se définit par la somme de deux éléments de 7 syllabes et non par une amplitude syllabique globale de 14 syllabes. Et, lorsque le mètre cesse d'être alexandrin pour devenir octonaire, c'est chaque demi-vers qui gagne une syllabe et non le vers tout entier qui grossirait de deux syllabes disposées indifféremment. En ne marquant pas la césure de façon visible, on prive donc la copla d'un facteur appréciable de déchiffrement.

Présenter la copla cuaderna comme l'unité de base du métier de clergie, cela revient à affirmer qu'elle est irréductible, mais aussi qu'elle est isolable. Irréductible, en ce que tout élément qui lui serait inférieur en extension, même s'il est doté d'un sens autonome, est prisonnier du cadre de cette copla
:
il ne saurait avoir d'existence propre. Isolable, en ce qu'elle renferme un sens qui n'a, en principe, nul besoin du contexte pour atteindre à sa plénitude.

Sur le plan formel, ce sont les facteurs de répétition qui consti
tuent l'élément décisif. Ceux-ci concernent le vers en tant que somme de deux hémistiches quatre fois répétée et la rime qui se reproduit à l'identique à la fin de chacun des quatre vers. C'est la conjonction de ces deux facteurs qui, en produisant un effet lancinant à la fois rythmique et musical, confère à la strophe son autonomie dans un contexte qui, sous l'apparence d'une certaine uniformité, offre en fait une variété suffisante, grâce à un changement de rime obligatoire entre deux strophes contiguës [10] et au nécessaire recommence
ment d'un rythme qui s'épuise dans le cadre limité des quatre vers [11].

La copla cuaderna est donc un ensemble clos sur lui-même. Sur le plan syntaxique, cela signifie que sa fin coïncide avec celle d'un énoncé, d'une razón conplida, pour reprendre les termes du copiste cité au début. Sur le plan de la ponctuation, cela signifie qu'elle ne peut se clore que sur un point. Cette règle s'applique sans exception dans la production du xiiie siècle, et en particulier dans celle de Berceo que j'utiliserai pour illustrer cet exposé. Et elle ne présente que de rares exceptions dans la production du xive qui pourtant contient de considérables innovations sous d'autres aspects [12]. Cette règle ne s'applique pas qu'au registre narratif. On observera en effet que, tant chez Berceo que dans le Libro de Apolonio ou le Libro de Alexandre, la fin des passages en style direct coïncide aussi avec la fin d'une strophe. Quant au point d'interrogation, il est exclu en cet endroit, dans la mesure où il appelle à un prolongement du discours, même s'il s'agit d'une interrogation rhétorique.

Le métier de clergie offre donc un spectacle inouï dans la production littéraire médiévale castillane. Alors que la prose s'accommode si bien de la longue période et refuse même de clore l'énoncé en multipliant les termes de liaison tels que le relatif par exemple, à qui on ne peut faire jouer sans violence un rôle d'interrupteur du discours, la copla cuaderna pose le principe d'un discours morcelé, d'une pensée qui se laisse saisir dans sa totalité sans qu'il soit nécessaire pour cela d'un grand effort d'attention, bref d'un découpage strict et forcément autoritaire de l'écriture. Il faudra, bien évidemment, tenir compte de ce phénomène particulier lorsqu'on étudiera la ponctuation ori
ginale des manuscrits.

Que cette norme stricte ait fait peser de lourdes contraintes sur les auteurs qui ont pratiqué ce genre, c'est probable, d'autant plus que le choix de la forme poétique n'était pas forcément délibéré mais pouvait être imposé par d'autres exigences, telles que le thème traité, la nature du public et les conditions de transmission du poème. Mais il est probable aussi que les poètes surent s'en accommoder au point d'en tirer parti dans une recherche de plus grande expressivité.

Ils disposaient en principe d'une relative latitude formelle, celle que leur laissaient les possibilités d'agencement de huit éléments isolables, les huit hémistiches de la copla. En réalité, un auteur comme Berceo choisit le plus souvent de se limiter à la manipulation des vers, l'hémistiche lui servant de recours en cas de recherche particulière. Plusieurs cas de figure se présentent qui, tous mais à des degrés divers, ont tenté les auteurs du genre : — les quatre vers constituent autant de propositions indépendantes ;

      les vers a et b, d'un côté, b et c, de l'autre, se font face ;

      le vers a s'oppose aux trois autres ;

      le vers d s'oppose aux trois autres ;

      les vers b et c font corps, tandis que a et d sont isolés.

Faute de statistiques, il n'est pas possible d'établir un ordre de fréquences pour chacun de ces schémas. Tout au plus est-il permis de dire que, dans un contexte largement dominé par les facteurs de symétrie, seuls deux cas de figure leur font une part dominante (ab/ vs/bc et a/bc/d), ce qui démontre la relative richesse de cette forme strophique. On peut observer aussi que, étant donné le faible nombre d'oppositions possibles à l'intérieur d'une copla, le phénomène de subordination sera forcément limité, puisque seule une, au maximum deux conjonctions subordinantes pourront être introduites. La ponc
tuation qui découle de la hiérarchisation du discours en phrases complexes sera donc limitée. Mais il n'en ira évidemment pas de même de celle qui est chargée de donner un sens au texte au moyen de pauses ou d'éléments prosodiques (exclamation, interrogation, rapports de conséquence ou de causalité nécessitant les
:). Cette dernière sera d'autant plus nombreuse que les rapports entre propositions et syntagmes donneront lieu à moins d'indications proprement syntaxiques. Et c'est ce qui fait toute la difficulté de la ponctuation de la
copla cuaderna [13].

Dans ce domaine, l'éditeur est tiraillé entre deux tentations : celle de multiplier les signes de ponctuation pour éviter toute ambi
guïté, en quoi il ne se diffère guère de l'éditeur d'un texte en prose ; et celle de reconnaître au découpage des vers et hémistiches une capacité à jouer un rôle analogue. Cette seconde tentation est sans doute la moins coupable, mais elle requiert une mise au point préa
lable qui présente des inconvénients évidents : le système proposé risque de n'être applicable strictement qu'à un seul texte ; il impose au lecteur un effort permanent ; il est en contradiction avec le système en vigueur et, de ce fait, complique la question plus qu'il ne l'éclairé. Enfin, il n'est d'aucun secours pour le lecteur plongé dans le doute. De fait, le défaut contraire, s'il est susceptible de provoquer l'agace
ment chez un lecteur cultivé, n'offre pas ces inconvénients. Par contre, il présente celui de ne fournir parfois qu'un semblant de solution. Ainsi en est-il de l'usage du point-virgule, qui est une constante tentation pour l'éditeur, à cause de son ambiguïté même. Ni point ni virgule, il peut passer pour l'un et l'autre, et épargne à son uti
lisateur d'avoir à trancher de la vraie nature de l'énoncé à ponctuer. Mais sa présence envahissante s'explique surtout par la répugnance des éditeurs à interrompre et à diviser le discours intra-strophique. Que la
copla se présente en deux éléments symétriques autonomes ou que le dernier vers constitue un commentaire syntaxiquement indépendant, l'éditeur devra bien tirer les conséquences de ces ruptures de renonciation. Ces dernières appellent à l'évidence la présence d'un point. Existe-t-il un obstacle à son utilisation ? Oui, si l'on considère que le discours intra-strophique est indivisible, mais encore faudrait-il être autorisé à soutenir un tel point de vue. A mon sens, rien de ce que nous savons de la copla cuaderna ne nous y autorise, et je pense que c'est par extrapolation que certains y ont été conduits. Car, s'il est vrai que la fin d'une copla doit coïncider avec le terme d'un énoncé, rien ne dit que cet énoncé doive être unique. Il semble qu'on ait tiré une conséquence quelque peu abusive de la considération des dimensions réduites de la strophe, pour estimer qu'elle ne pouvait être le lieu que d'une seule phrase.

Pour serrer au plus près la réalité formelle de la copla cuaderna, on ne saurait trop prôner le recours au traitement informatique des textes. Malheureusement, nous ne sommes qu'au commencement d'une expérience de cette nature. J'ai pu disposer, grâce à l'aimable diligence de notre collègue René Pellen, d'un document précieux sur le texte des Milagros de Nuestra Señora : une liste des formes et un concordancier. Ce n'est qu'un premier état d'un travail qui sera très largement affiné dans les années qui viennent mais, tel qu'il est aujourd'hui, il peut déjà rendre de nombreux services.

Iglesia de Villacastín (Segovia)

Ayuntamiento de Villacastín (Segovia)

 

L'étude statistique fait apparaître l'existence de 5 152 formes, dont la fréquence moyenne est de 5,35. De cette longue liste, je n'ai retenu, pour les besoins de l'exposé, que les 70 formes dont la fréquence d'apparition est égale ou supérieure à 20. Parmi elles figurent 9 conjonctions simples, ca, e, mas, nin, o, pero, porque, que, si et 10 adverbes dont seul quando a un rôle important à jouer en syn
taxe. L'importance relative des conjonctions est considérable et leur indice de fréquence ne l'est pas moins
:
ca : 139 ; e : 467 ; mas : 81 ; nin : 99 ; o : 44 ; pero : 23 ; porque : 19 ; que : 796 ( — 61 qé) ; si : 142. La présence en aussi grand nombre de conjonctions copulatives ou disjonctives démontre la fréquence des constructions en propositions indépendantes que l'analyse structurale de la copla laissait supposer. De fait, Berceo utilise volontiers des techniques telles que le parallélisme et l'association binaire d'éléments [14].

Mais un des traits les plus significatifs de la structure de la copla est la place qui est dévolue à ces mots. La table de concordances établie par R. Pellen fait clairement ressortir le caractère privilégié de la position initiale, tant dans le vers que dans l'hémistiche (cf. tableau joint).

L'analyse de ces distributions fait apparaître certaines différences entre les conjonctions. Il est particulièrement intéressant d'observer que ca, porque, mas sont systématiquement absentes du début du vers a, ce qu'il faut interpréter comme la preuve de l'isolement de la strophe par rapport à la précédente. Berceo ne fait pas déborder son discours d'une strophe à l'autre. Par contre, pero et si, dans la mesure où ils peuvent être antéposés à la principale, apparaissent en a.

Il existe aussi une grande différence des fréquences d'emploi entre les débuts de vers et les débuts d'hémistiches, ces derniers étant nettement moins nombreux. La proposition coïncide plus aisément avec le vers qu'avec l'hémistiche, ce dernier étant d'une amplitude trop réduite. En outre, cela confère au changement de vers une valeur particulière dont le changement d'hémistiche est dépourvu [15].

Ca et mas qui sont parmi les conjonctions de coordination à la fréquence la plus élevée, donc parmi les plus significatives, apparaissent en d plus souvent qu'en tout autre endroit de la strophe, ce dernier vers se voyant donc confier une fonction qui tend à le séparer des trois vers précédents. Lorsque ces conjonctions apparaissent en c, au contraire, la construction de la copla se fait autour de deux éléments symétriques de deux vers chacun.

Quant à si, sa souplesse d'emploi explique qu'elle apparaisse aussi bien en a qu'en d, c'est-à-dire aussi bien avant qu'après la principale.

La localisation privilégiée des mots de liaison correspond donc au début des hémistiches et, leur fréquence étant nettement plus grande en début de vers, il en résulte que la fin d'un vers coïncidera souvent avec la fin d'une proposition.

 

Les substantifs dont la fréquence d'apparition est supérieure à 20 sont relativement peu nombreux, ce qui découle logiquement de la variété des thèmes traités dans les Milagros. Ceux qui dépassent cette fréquence auront une valeur générique et, de fait, ils appartien
nent dans leur majorité au registre de la religion
:
Christo, Maria, Madre, Virgo, Gloriosa (adj. substantivé qui désigne la Vierge), eglesia, mirado, Teófilo enfin, qui n'appartient pourtant qu'à un des récits, le plus long il est vrai[16].

Ce qui frappe, si l'on observe de près la position de ces substan
tifs, c'est qu'elle présente une uniformité au moins aussi grande que les mots de liaison mais, cette fois, en fin d'hémistiche (cf. tableau joint). Seuls se distinguent
Virgo et Madre : le premier terme parce qu'il est le plus souvent associé à Maria, piadosa, gloriosa, benedicta, preciosa, etc. et, par conséquent, se trouve systématiquement en posi
tion pénultième
; le second, parce qu'il est le plus souvent utilisé comme apposition à
Maria et, de ce fait, apparaît en début de vers ou de second hémistiche [17].

L'observation faite sur les six premiers substantifs fait ressortir la contrainte imposée par l'usage d'une rime unique, puisque seul Maria, doté d'une terminaison dont le castillan est très riche (formes d'imparfait, nombreux substantifs), figure en fin de vers. On en conclura que la rime n'est pas nécessairement une position favorable dans les œuvres de Berceo, et que les mots essentiels seront bien plutôt à rechercher à la fin du premier hémistiche. Ce qui a pour effet de conforter la valeur structurale du demi-vers et de la césure ; mais aussi de conférer parfois au second hémistiche une fonction de simple support de la rime, et de multiplier ainsi les syntagmes appositifs ou simplement explicatifs, et donc de multiplier les signes de ponctua
tion correspondants, essentiellement la virgule.

Cette localisation des substantifs a aussi pour conséquence de favoriser les inversions, le sujet se trouvant nécessairement déplacé du début de la phrase. La tournure n'est pas réservée aux substantifs énumérés, elle concerne aussi d'autres substantifs de moindre fré
quence voire des pronoms. C'est ainsi que
ninno figure, dans 7 occurrences sur 10 en fin de premier hémistiche. Dans deux autres cas, 327d et 357b, s'il ne figure pas à cette place, c'est parce que le mot important est l'adjectif qui l'accompagne : fermoso, qui est repris au début du second hémistiche, et judiezno. De même, l'indéfini ninguno se trouve, dans les 9 cas sur 10 où il est employé, en fin de premier hé
mistiche, même lorsqu'il est adjectif
: « que con englut ninguno non serié tan travado » (719
c).

En quatre occasions où il apparaît en fin de premier hémistiche, Teófilo inaugure un passage en style direct en fonction d'apostrophe, ce qui contrarie le découpage du vers, puisqu'il fait commencer un nouveau type de discours juste avant la césure. En fait, il semble bien que la signification de la position à l'intérieur du vers ait plus de valeur que le respect de l'orthodoxie du découpage.

Enfin, le concordancier nous permet aussi d'observer comment les passages en style direct sont introduits dans un contexte narratif, grâce à l'inventaire des occurrences de l'incise disso, disso X. Chaque fois que ce verbe est accompagné de son sujet (disso.l Sancta Maria), il se place en début de vers. Il y a inversion du sujet et le discours en style direct commence au début du second hémistiche. C'est le cas le plus fréquent en début de strophe. Par contre, lorsque le verbe est employé seul, c'est-à-dire lorsqu'il constitue à lui seul toute l'in
cise, il se trouve toujours en seconde position dans le vers, seulement précédé du premier mot de l'énoncé formulé en style direct.

 

        Pour compléter une première approche de cette distribution des éléments de l'énoncé dans le vers de la copla cuaderna, il convien
drait de dresser un inventaire statistique de l'emploi des verbes. La tâche est plus difficile, dans la mesure où le verbe connaît des situations de discours beaucoup plus variées que les éléments de relation ou n'atteint pas des fréquences aussi élevées que les substantifs énumérés plus haut. Mais un premier indice nous est fourni par la localisation privilégiée du substantif en fin d'hémistiche, ce qui impliquait, disions-nous, de nombreuses inversions du sujet. Le phénom
ène est particulièrement fréquent dans les formules d'introduc
tion du discours direct. En voici quelques exemples tirés du Miracle du
Mer cader de Bizancio, que j'ai choisi pour illustrer la fin de cet exposé :

Dissoli el judío (641 a) ;

Dissoli el christiano (642 a) ;

Dissoli el judío (643 a) ;

Respondió el christiano (646 a).

 

La liste pourrait être beaucoup plus longue (cf. 647 a, 648 a et 648 d, 650 a, etc.).

L'inversion du sujet est également fréquente dans d'autres positions dans la copla

era en gran porfazo                       el bon omne caído (631 c) ;

ovo un buen consejo                     el burgés a asmar (635 b) ;

recivió la pecunia                          el burgés cibdadano (653 d).


 

L'inversion du sujet entraîne chaque fois la localisation du verbe en début de vers ou d'hémistiche.

En dehors de ces cas d'inversion, qui semblent majoritaires, il arrive aussi que le verbe se voie assigner le début du vers. C'est qu'alors le syntagme sujet occupe un vers tout entier, le premier hémistiche étant réservé au groupe nominal, le second à une appo
sition :

los omnes del judío,      compannuela baldera,

issieron deportarse      fuera a la ribera (674 be) ;

El trufan alevoso,      natura cobdiciosa,

non metié el astroso      mientes en otra cosa (679 be) ;

Los pueblos de la villa,      páuperes et potentes,

fazién grand alegría      todos con instrumentes (698 be) ;

Un rico arcidiano,      bien de tierras estrannas,

caeció esta festa      entre essas eompannas (700 be).

 

Mais l'emploi des verbes ne se limite pas aux propositions dotées d'un sujet explicite. Beaucoup plus fréquent semble être celui de verbes sans autre indication de sujet que celle qui figure dans leur terminaison. Ainsi en va-t-il des propositions principales précédées d'une subordonnée contenant le sujet commun à toute la phrase :

Quando el burgés ovo      fecha su oración,

e con el trufan ovo      puesta su condición,

aguissó su facienda      e toda su missión (660 abc) ;

Quando el trufan ovo      el aver recabdado,

el vaso en qe vino      fo bien escodrinnado ;

echólo so su lecho      rriccament alleviado (678 abc).

 

Ainsi en va-t-il aussi, et de façon constante, des propositions indépendantes qui sont si fréquentes dans l'œuvre de Berceo. Cf. dans le Miracle du Mercader de Bizancio: 627 bc; 629 ab; 630 bc; 631 abcd; 637 ab ; etc. Dans tous les cas, le verbe est en position initiale et la proposition à laquelle il appartient coïncide avec le vers ou même avec l'hémistiche.

Ces observations ne prétendent pas rendre compte de tous les aspects de l'écriture bercienne. Tout du moins, elles permettent de dégager certaines constantes formelles qui donnent à la copla  sa structure originale. Elles signalent un découpage fonctionnel du vers et de l'hémistiche en éléments spatialement définis. Les positions essentielles, — l'initiale et la finale —, se voient assigner une fonction propre dans la copla par la nature des mots qui leur sont réservés : éléments de liaison et verbes en début d'hémistiche, avec une prédi
lection pour le premier hémistiche du vers ; substantif en fin d'hémistiche, avec la même prédilection pour le premier d'entre eux. De ce fait, le second hémistiche semble avoir un statut relativement se
condaire dans le vers, pour deux raisons essentielles : les contraintes que fait peser la rime quadruple réduit souvent ce second hémistiche à n'être que le support de celle-ci ; l'emploi constant de constructions binaires, qui est inscrite dans la nature même de la
copla cuadema, entraîne l'apparition d'énoncés souvent pléonastiques en fin de vers.

Reste une question essentielle à laquelle il n'a été fait ici que de trop rapides allusions : comment a évolué la copla cuadema dans l'histoire du métier de clergie ? Cette forme qui semble si adaptée à l'esprit de Berceo était-elle assez souple pour répondre aux exigences d'un discours moins stéréotypé, comme celui de Juan Ruiz ou de Pero López de Ayala ? La part de plus en plus grande faite à l'hémis
tiche octosyllabique tout au long du xive siècle semble déjà constituer une ébauche de réponse. Ainsi se manifeste la nécessité d'un support plus ample, qui trouve son compte dans l'élargissement du corps de l'hémistiche grâce à la syllabe ajoutée. Il est permis d'affirmer, en tout état de cause, que Pero López de Ayala, pour ne parler que de lui, fait subir à cette
copla
 
un traitement sévère, n'hésitant pas à la désarticuler, en faisant jouer au maximum les facteurs capables de rompre la régularité du modèle. Une étude comparative des réali
sations du genre aux deux extrémités de son histoire serait en tout cas précieuse, surtout si elle sait tirer parti du secours du traitement informatique des textes.

 

 

 

BERCEO, MILAGROS DE NUESTRA SEÑORA

 

Nombre total des formes : 5 152

Nombre des occurrences : 27 558

Fréquence moyenne : 5,35.

 

Répartition des formes

ca. début de vers : 93 oc. ; début de 2e hémistiche : 37. Soit 130 /139.

début de vers : a : 0 ; b : 24 ; c : 16 ; d : 53.

début de 2e hémistiche : a : 3 ; b : 9 ; c : 13 ; d : 12.

mas. début de vers : 71 oc. ; début de 2e hémistiche : 8. Soit 79 /81.

début de vers : a : 1 ; b : 11 ; c : 29 ; d : 30.

début de 2e hémistiche : b : 2 ; c : 4 ; d : 2.

pero. début de vers : 22 oc. Soit 22/23.

a: 8; b : 2; c: 8; d: 4.

porqe, porque. début de vers : 11 oc. ; début de 2e hémistiche : 3. Soit 14 /19.

début de vers :<z:0;6:8;c:l;d:2.

nin. début de vers : 27 oc. ; début de 2e hémistiche : 33. Soit 60 /99.

si. début de vers : 81 oc. ; début de 2e hémistiche : 22. Soit 103 /142.

quando, quand, début de vers : 61 oc. ; début de 2e hémistiche : 12. Soit 73 /85.

début de vers : a : 31 ; b : 6 ; c : 12 ; d : 12.

 

Substantifs ou noms propres

Christo. fin du 1er hémistiche : 29 oc. Soit 29 /38.

Maria, fin du 1er hémistiche : 32 oc. ; fin de vers : 44. Soit 76 /78.

Gloriosa, fin du 1er hémistiche : 100 oc. Soit 100 /126.

Eglesia(s). fin du 1er hémistiche: 33 oc. Soit 33/35.

miraclo (s), fin du 1er hémistiche: 38 oc. Soit 38/40.

miraclo (s), fin du 1er hémistiche : 38 oc. Soit 38 /40.

Teófilo. fin du 1er hémistiche : 37 oc. Soit 37 /39.

ninno. fin du 1er hémistiche : 7 oc. Soit 7 /10.

ninguno, fin du 1er hémistiche: 9 oc. Soit 9/10.


 

 

 

 

 

 

NOTAS

 

 

[1]   Ms. 9815 de la Biblioteca Nacional de Madrid. Voir aussi à ce sujet Carlos Romero de Lecea, Hernando de Talavera y el tránsito en España del Manuscrito al impreso, Studia Hieronymiana, VI centenario de la Orden de San Jerónimo, Madrid, 1973, vol. 1er, p. 317. Je reproduis la ponctuation de l'original.

[2]   (aunque grande, etc.) : le copiste ne reproduit pas toute l'incise, renvoyant le lecteur au texte proprement dit.

[3]   Le signe adopté par le copiste dans le texte n'est pas la comma qu'il reproduit en marge, mais les deux points (:) . Il semble que, pour lui, les deux soient équivalents.

[4]   Je respecte le découpage des lignes, pour le cas où certains signes seraient liés à ce découpage. Je développe les abréviations- n-

[5]   Au-delà du dernier point, on lit q, sur lequel ont été dessinés le signe * qui, selon le copiste, équivaut au point (.), ainsi que le C majuscule de l'intitulé du chapitre 2.

[6]   Citons, parmi les plus récents, Francisco López Estrada, « Mester de clerecía : las palabras y el concepto », Journal of Hispanic Philology, 3,1978, pp. 166-174 ; Nicasio Salvador Miguel, « Mester de clerecía : marbete caracterizador de un género literario», Revista de literatura, tomo XLII, 82, 1979, pp. 5-30.

[7]   Joan Corominas ; J. A. Pascual, Diccionario critico etimológico castellano e hispánico. Nouvelle édition, 4 volumes parus, Madrid, ed. Gredos ; 1980 pour le vol. 4.

[8]   Tel est, semble-t-il, aussi le cas de rimado dans le premier hémistiche. Le fait que le substantif via soit à la rime ne lui confère pas un statut privilégié. Con
trairement à d'autres genres poétiques, le métier de clergie, chez Berceo du moins, ne réserve pas les mots importants pour la fin du vers. En outre, dans une strophe de quatre vers monorimes, certains des mots-rimes n'ont d'autre fonction que de compléter la série, tant il est vrai qu'il existe une véritable hiérarchie de ces termes à l'intérieur de la
copla. Dans celle que je commente ici, il semble que joglaria et clerecía aient une importance très supérieure à celle de via et maestria.

[9]   La formulation copla cuaderna, que j'adopte désormais, me semble rendre compte infiniment mieux que cuaderna via de la réalité de la strophe du métier de clergie.

[10]  Il est exceptionnel, dans le métier de clergie, que deux strophes contiguës aient la même rime. Ou bien c'est pour répondre à la volonté délibérée de clore le texte en le dotant d'une espèce de finîda. Ou bien il s'agit d'un ajout dont l'inclusion dans le texte primitif n'a pas donné lieu à la « toilette » nécessaire.

[11]  La copla de 5 vers est rarissime et a toujours été considérée comme anormale. Il ne faut pas exclure cependant que, pour des motifs de recherche expressive, le poète ait été amené à transgresser très exceptionnellement la sacro-sainte règle des quatre unités.

[12]  Les enjambements d'une strophe à l'autre sont très rares. Dans le Libro de Amor, le phénomène n'apparaît que dans une série de quatre strophes, - 924-927 - ; dans le Rimado de Palacio, je n'en ai relevé que cinq cas : str. 665-666 ; 932-933 ; 1271-1272; 1673-1674 ; 1891-1892.

[13]  En principe, le nombre des signes de ponctuation est inversement proportionnel à la fréquence des termes de relation. Mais la réalité est moins simple. Les con jonctions strictement copulatives ou disjonctives telles que e, o, nin permettent de faire l'économie de la virgule. D'autres, au contraire, peuvent, dans certains cas d'emploi, requérir sa présence immédiatement devant elles : ca, mas, porque. Quant à si et quando, elles exigent la virgule à la fin de la proposition qu'elles introduisent.

[14]  D'autres techniques employées, telles que l'apposition ou la parataxe, tout en faisant l'économie de termes de liaison, vont aussi dans le sens d'un refus du
discours en phrases complexes.

[15]  Même si l'hémistiche ne saurait rivaliser avec le vers, le fait qu'il puisse lui-même être privilégié suffit à démontrer qu'il bénéficie aussi d'un statut d'autonomie.

[16] Dios a aussi une fréquence élevée, mais elle est peu significative parce que le mot recouvre des valeurs très différentes : nom propre ; nom commun (un dios) ; interjection (por Dios, etc.).

[17] Virgo a 23 occurrences ; Madré, 94. Madré apparaît 30 fois en début de vers et 19 fois en début du 2 e hémistiche.

 

 

 

 

Villacastín(Segovia). Para saber más hacer clic sobre la imagen.

 
 
 

La strophe de « cuaderna via »
comme élément de structuration du discours

 

 

MICHEL GARCÍA
Université de Paris-XIII

Cahiers de linguistique hispanique médiévale. N°7-2, 1982. pp. 205-219